La sophrologie du sport : un état d’esprit, une attitude, des techniques
Article écrit par Eric Medaets, kinésithérapeute et sophrologue du sport.
Eric, qui collabore avec Psychosport depuis le début, est l’un des plus grands spécialistes de la sophrologie du sport, préparateur mental depuis plus de 45 ans.
Qu’est ce que la sophrologie
C’est en 1960 que le Professeur Alfonso Caycedo, neuropsychiatre espagnol d’origine colombienne, fonda sa méthode qu’il baptisa sophrologie.
Ce néologisme vient du Grec :
- SOS : harmonie, équilibre
- PHREN : conscience, esprit
- LOGOS : étude, science
Influencé par l’hypnose, le training autogène de Schultz, ses voyages en Orient et la philosophie phénoménologique, Caycedo a réalisé un mixage de plusieurs approches complémentaires pour créer sa méthode à médiation corporelle.
Pour Caycedo la sophrologie c’est « l’étude de toutes les modifications de la conscience, obtenues par des moyens psychologiques, physiques ou chimiques, ainsi que l’étude de leurs possibilités d’application en thérapie, en prophylaxie, en pédagogie … »
Conscience, c’est le mot clé de la sophrologie !
À son origine, la sophrologie s’adressait uniquement au monde médical, s’ouvrit ensuite aux professions paramédicales pour glisser finalement vers de multiples domaines : prophylactiques, pédagogiques, sportifs…
Elle constitue un ensemble de techniques et une attitude de vie basée sur quatre principes et la réduction phénoménologique de Husserl : le non-jugement accompagne tout le processus sophrologique.
Sophrologie en sport : les principes de base
L’attitude sophrologique nous permet d’éviter les a priori et d’être dans le non-jugement.
Il existe quatre principes clés en sophrologie du sport.
1. Principe d’action positive en sophrologie du sport
« Toute action positive dirigée vers la conscience se répercute positivement sur tous les éléments psychiques. » Alfonso Caycedo
L’attitude corporelle positive peut influencer positivement l’état d’esprit et inversement :
le « psychologique » et le « corporel » sont indissociables, en interaction permanente.
Le négatif est mis entre parenthèses afin de prendre conscience de tous les éléments positifs et de leur impact sur nous, physiquement et mentalement… L’accent est toujours mis sur ce qui va bien, ce qui fonctionne et sur les progrès réalisés.
Combien de temps passe un entraîneur à développer les capacités, les forces de son sportif, de son équipe ?
N’est-il pas trop focalisé sur les corrections, les faiblesses du sportif… dans le souci de bien faire ?
Demander au sportif de lister dans deux colonnes, ses forces et ses faiblesses… regarder celle qui sera remplie…
La prise conscience et le développement des points forts contribuent au renforcement de l’estime de soi et de la confiance en soi du sportif !
La confiance en soi, une des habiletés mentales indispensable à la performance !
2. Principe d’intégration du schéma corporel comme réalité vécue en sophrologie du sport
Le schéma corporel est une représentation plus ou moins consciente du corps, de la situation du corps dans l’espace, ainsi que de la position des différents segments corporels.
Cette intégration contribue à la réalisation d’un geste sportif coordonné ainsi qu’à l’orientation dans l’espace pour trouver sa place dans l’équipe, dans un schéma de jeu : dans la tactique.
C’est une notion physiologique qui participe à l’élaboration de l’image corporelle, aspect psychologique à la fois unifiée et diversifiée, synthétique et analytique : c’est la représentation que nous avons de notre corps.
Les multiples informations sensorielles, extéroceptives (visuelles, tactiles et auditives) et intéroceptives, proprioceptives (cénesthésiques, kinesthésiques et proprioceptives), notamment vestibulaires, musculaires, articulaires, tendineuses développeront la conscience du corps au repos et en mouvement.
Les perceptions des sensations du corps en action et en récupération apporteront une plus grande maîtrise des gestes sportifs, les rendant plus efficaces et plus efficients.
L’intégration de « l’outil » du sportif à son schéma corporel sera facilitée. La raquette, le stick, les skis, la moto, la voiture… ne sont que le prolongement du corps du sportif.
« Le concept « corps » inclut d’emblée les phénomènes psychiques puisque le corps et l’esprit sont indissociables et que le corps ne peut être conçu comme n’étant pas habité. » Dr H. Boon
3. Principe de réalité objective en sophrologie du sport
Il permet de se rapprocher le plus possible de la réalité telle qu’elle est, par rapport à soi-même, aux autres, à l’environnement, à la situation, au contexte global.
Cette conscientisation facilite la prise de recul par rapport aux choses, aux évènements, aux compétitions, aux attentes des autres et permet de les ramener dans leurs justes proportions…
L’autoévaluation de la performance réalisée, comparée au débriefing du coach, rapprochera la perception de l’analyse de la réalité.
Pour le sportif, la réalité objective, c’est aussi connaître son propre potentiel du moment dans le contexte global de sa compétition qui lui permettra de s’ajuster aux situations nouvelles.
Pour relativiser l’impact sur soi d’une performance : « dissocier ce que je fais de qui je suis. »
La sophrologie se pratique sans artifice, dans la réalité de l’environnement, du contexte , de la situation, du moment présent.
4. Principe d’adaptabilité en sophrologie du sport
Complémentaire au principe de réalité objective, il renforce l’alliance avec le sportif pour être en phase avec ses attentes.
Le « sophrologue » dégagé de tout protocole figé, s’adapte au sportif (ou au groupe de sportifs), à sa demande au moment de l’accueillir.
La technique pratiquée est toujours adaptée à la situation, au contexte global, ici et maintenant.
Intégrée par le sportif, l’adaptabilité l’aidera à s’ajuster immédiatement aux différentes situations vécues en compétition, par rapport à l’adversaire, aux conditions environnementales, aux contextes… L’intuition qui permet au joueur de s’adapter immédiatement à une situation nouvelle sera libérée, inhibant la réflexion qui parasiterait l’action en la paralysant.
Inspiration phénoménologique
- Éviter les a priori, les préjugés, certaines croyances limitantes : « c’est ma bête noire… » « Sur ce terrain on ne gagne jamais. »
- Vivre les évènements comme si c’était la première fois : laisser les a priori de côté !
- Evaluer une performance plutôt que de juger le sportif : revenir dans le rationnel dès que possible.
Les techniques en sophrologie du sport
Les techniques en sophrologie du sport contribuent au développement et à l’ancrage de l’attitude sophrologique.
Elles sont statiques d’inspiration occidentale et dynamiques d’inspiration orientale.
Les principales influences occidentales
La relaxation progressive et différentielle de E. Jacobson (physiologique) et le training autogène de J.H. Schultz (psychologique) constituent les bases des méthodes de relaxations actuelles.
Ces deux approches essentielles seront actualisées et adaptées dans nos pratiques avec l’esprit de la sophrologie.
Les influences orientales
La relaxation dynamique de Caycedo :
o Le Yoga pour la RDC I, concentrative. Elle active la prise de conscience du corps en mouvement et des sensations de récupération. L’alternance action/récupération est la base de toute performance physique. Le sens kinesthésique est en plein éveil !
o Le Bouddhisme tibétain pour la RDC II, contemplative. Elle active la prise de conscience de la relation entre le sportif et le monde extérieur grâce à l’activation des 5 sens. Le sixième sens, le proprioceptif, est développé grâce aux mouvements lents réalisés en pleine conscience de la position du corps dans l’espace…
o Le Zen japonais pour la RDC III, méditative. C’est la méditation en sophrologie.
Le sportif pourra méditer sur un thème qu’il choisit : une habileté ou tout autre sujet de méditation.
La RDC IV, sorte de synthèse des trois premiers degrés avec la prise de conscience et activation des valeurs personnelles. La prise de conscience et l’activation par le sportif de ses propres valeurs dans le sport et dans sa vie.
Les trois premiers degrés de la Relaxation Dynamique de Caycedo sont une évolution qui va de la concentration à la méditation en passant par la contemplation.
La tridimention temporelle
Les nombreuses pratiques, associant relaxation et imagerie mentale, s’adressent au passé, au présent et au futur.
- Le passé : pour revivre des compétitions, des séquences de jeu particulièrement bien jouées…
- Le présent : pour activer le vécu positif du moment présent, pour gérer les temps de récupération. Pour faciliter la récupération globale : physique et mentale.
- Le futur : pour préparer des compétitions à venir, des séquences de jeu.
Imageries mentales pratiquées en sophrologie
o Visualisations externes, dissociées : se voir agir, être spectateur de l’action.
o Visualisations internes associées : agir, être acteur de l’action.
o Les simulations motrices : kinesthésiques, proprioceptives, ressentir les mouvements.
o Les répétitions motrices : répéter mentalement des mouvements, des schémas de jeu…
Elles sont utilisées sous toutes leurs formes dans la gestion d’une période de blessure :
Le passé : pour ancrer le niveau de jeu d’avant la blessure.
Le présent : pour accompagner la rééducation éventuelle.
Le futur : pour préparer un retour à l’entraînement, à la compétition après une période de blessure.
Entrainement sophrologique avec les sportifs
ENTRAINEMENT SOPHROLOGIQUE AVEC LES SPORTIFS
La sophrologie se vit et s’entraîne, notamment avec les sportifs en entrainement individuel ou collectif.
Entrainements sophrologiques individuels en sport : travail spécifique
• Pour répondre à une attente spécifique du sportif : pour un gardien de but par exemple.
• Pour débloquer une situation.
• Faciliter l’apprentissage, le développement ou la modification d’un geste technique.
• Pour automatiser une tactique, grâce à l’imagerie mentale, pour les sports individuels ou collectifs.
• Pour assimiler et intégrer un schéma tactique en fonction de l’adversaire.
Entrainements sophrologiques collectifs en sport : travail de fond
• Permet d’expérimenter les pratiques de base de la sophrologie qui pourront être utilisées ensuite de manière plus spécifique si nécessaire.
• Le groupe qui a sa propre dynamique est très porteur et trouve une place de choix dans les sports individuels.
• Les sportifs individuels qui se retrouvent dans un groupe peuvent partager leurs expériences et relativiser certaines choses… Ils se rendent compte que les autres aussi vivent souvent les mêmes états d’âme !
• La prise de conscience est renforcée par la verbalisation des vécus des participants : « Tiens, moi aussi j’ai perçu cela mais je ne m’en étais pas rendu compte. »
• Oser s’exprimer librement sans crainte du jugement des autres renforce la confiance en soi : c’est exister en tant qu’individu, unique, au sein d’un groupe !
• Utiliser le « je » plutôt que le « on » pour exprimer son vécu.
• Quitter le « paraître » friable pour conquérir « l’être » solide.
• Automatisation des tactiques et systèmes de jeu de l’équipe.
• Entraîner à la réponse de détente grâce aux techniques de relaxation.
• Développer et entraîner l’imagerie mentale, les répétitions motrices.
• La participation de l’entraîneur est un plus. Il renforcera l’entraînement mental au quotidien : sa participation est une valeur ajoutée.
ð Le travail en groupe n’exclut pas le travail individuel et inversement : ils sont complémentaires.
L’approche de la sophrologie dans le contacte sportif
Loin d’être la panacée universelle, la sophrologie n’en demeure pas moins une approche intéressante, complémentaire aux compétences de base du « sophrologue ».
Celui-ci doit bien connaître ses propres limites et rester dans la réalité objective de son rôle et de sa place dans l’équipe qui encadre le sportif.
L’idéal c’est de travailler en parfaite symbiose avec les entraîneurs qui pourront intégrer en situations, sur le terrain, les pratiques sophrologiques.
La sophrologie fondamentale qui s’arrête aux 4 premiers degrés de la Relaxation Dynamique, est une formidable boîte à outils et un état d’esprit ouvert à la pratique sportive… et dans la vie au quotidien.
L’entraînement sophrologique n’exclut en rien un accompagnement psychologique du sportif.
Cette approche corporelle de l’entraînement mental parle aux sportifs, leur corps est leur outil !
À l’écoute de leur corps, par l’accueil des sensations, ils pourront mieux gérer leur pilier physique et ils éviteront ainsi d’être dans « le rouge ».
L’entraînement sophrologique est très complémentaire à une démarche psychologique :
le corps et l’esprit sont indissociables.
La sophrologie fondamentale est une attitude de vie, un état d’esprit et un ensemble de techniques de relaxation et d’imagerie mentale.
Conclusion
Un sophrologue n’est pas un philosophe, un psychologue, un thérapeute, un coach, un préparateur mental, un enseignant, un artiste, un individu fermé, un « juge », une personne de pouvoir, un détenteur de la vérité, un pourvoyeur de croyances, un gourou, un manipulateur…
Mais ceux-ci peuvent être sophrologues !
A vous d’expérimenter sans préjugés !
Article rédigé par Eric MEDAETS, kinésithérapeute et Sophrologue.
Eric a 45 ans d’expérience comme sophrologue dans le sport de haut niveau. Formateur à l’Ecole Belge de Sophrologie, il collabore régulièrement avec Psychosport.
Auteur de plusieurs livres: voici le dernier, écrit en collaboration avec le Pr. Henri Boon : Sophrologie et entraînement sportif. Editions Soteca 2021