Psychologie du sport et football : comment se reconstruire mentalement après une blessure

Mots-clés : psychologie du sport et football, blessures sportives

Introduction

Dans le football, la blessure n’est pas qu’un coup d’arrêt physique. C’est aussi une période de transition mentale, marquée par des doutes, des émotions parfois difficiles et un changement de rythme. Pourtant, peu d’athlètes sont accompagnés sur le plan psychologique dans ces moments-clés.

Manuel Dupuis est psychologue du sport et coach mental chez Psychosport, où il est l’expert football de l’équipe. Il accompagne depuis plus de 20 ans des footballeurs professionnels en Belgique et à l’international. Il a travaillé notamment avec des clubs comme le Sporting de Charleroi (7 ans), l’Union Saint-Gilloise (4 ans), et l’ACFF, l’aile francophone du football en Belgique.
Il reçoit des joueurs de tout le championnat belge, ainsi que des joueurs professionnels étrangers, qu’il suit en cabinet ou à distance, en anglais et en français, issus de grands championnats européens (Angleterre, Allemagne, France…).

Dans cet entretien, il partage son expérience et ses méthodes pour accompagner mentalement les joueurs blessés – de la blessure à la reprise, avec une attention particulière portée à la confiance, aux émotions et au retour sur le terrain.


🎙 Entretien avec Manuel Dupuis, psychologue du sport

Pourquoi l’aspect psychologique est-il souvent sous-estimé dans les blessures sportives ?

Lorsqu’un joueur se blesse, il perd plus que du temps de jeu. Il perd ses repères : les entraînements, les matchs, le groupe, l’adrénaline, les endorphines… Tout ce qui structure sa vie de footballeur s’interrompt.

Il peut alors ressentir un certain isolement ou un manque de sens. L’état d’esprit varie beaucoup selon les personnalités : certains restent très positifs, d’autres traversent des périodes de doute. Et bien sûr, la peur de perdre sa place dans l’équipe ajoute une pression supplémentaire.

C’est donc une période où il est essentiel de rester calme, entouré et confiant, pour traverser la rééducation de manière plus sereine et complète. Le mental joue ici un rôle fondamental.

Quelles émotions traversent les joueurs blessés ?

On observe souvent des émotions diverses : un peu de tristesse, parfois de la colère, ou simplement une forme de retrait intérieur. Certains joueurs expriment leurs émotions facilement, d’autres les gardent pour eux. C’est normal et cela fait partie du processus.

Je les encourage toujours à accueillir et exprimer ce qu’ils ressentent. Cela aide à mieux avancer. Il peut aussi y avoir une perte de motivation passagère ou des questionnements, surtout si la blessure est longue. Et à la reprise, il arrive que surgisse une appréhension : peur de se blesser à nouveau, de ne pas retrouver son niveau ou sa place.

Tout cela se travaille. L’important, c’est de digérer ce qui s’est passé et de retrouver de la liberté dans le geste, de la confiance dans le jeu.

Quel rôle joue la préparation mentale pendant la rééducation ?

C’est une opportunité pour faire un vrai travail intérieur. On échange régulièrement pour faire le point sur le moral, sur la progression, mais aussi pour proposer des outils adaptés à chacun.

Par exemple, l’imagerie mentale permet de s’entraîner sans solliciter le corps. Le joueur peut s’imaginer faire des gestes, participer à une séance, avec les bonnes sensations, le bon climat, les bons automatismes. Cela entretient la technique, le lien au jeu, et renforce la concentration.

Certains joueurs visualisent même des séances très précises, en fonction de la météo du jour, des exercices spécifiques à leur poste (dribbles, passes, tirs, jeu en une touche, etc.). D’autres imaginent des matchs, des combinaisons, des moments forts vécus positivement.

C’est aussi un moment propice pour travailler des outils comme la gestion de l’attention, la préparation émotionnelle, et surtout pour préparer en douceur le retour à la compétition.

Quels outils concrets utilises-tu avec les joueurs blessés ?

En plus de l’imagerie mentale, j’utilise des exercices de concentration, des techniques d’ancrage émotionnel (pour retrouver rapidement des états mentaux utiles comme la confiance ou la combativité), et parfois des techniques de relaxation ou de visualisation guidée.

Les ancrages, par exemple, sont très concrets : on demande au joueur de revivre dans sa mémoire une action où il a ressenti une grande confiance ou une forte combativité. Une fois cet état ressenti de nouveau, on associe un déclencheur : un mot, un geste, un souffle. Avec la répétition, ce déclencheur pourra réactiver rapidement l’état mental voulu.

On peut également intégrer des exercices de respiration ciblés, des séquences de recentrage avant ou après les séances de revalidation, et même des outils pour rester concentré lors des premiers matchs après reprise.

Comment gères-tu la peur de rechute ou la perte de confiance ?

On commence par s’assurer que la blessure est bien « digérée », émotionnellement parlant. Si le joueur garde en tête l’image du choc ou une sensation de fragilité, on utilise des techniques spécifiques comme l’hypnose, l’EMDR ou l’imagerie ciblée pour réintégrer l’expérience et tourner la page en douceur.

Ensuite, on accompagne la reprise par des visualisations positives, des projections sur le jeu à venir, et on restaure des repères stables : confiance, plaisir, liberté de mouvement. L’idée, c’est que le joueur puisse oser à nouveau, sans retenue ni peur parasite.

Quelle est la place du staff, du coach et des proches dans la reprise mentale ?

Elle est très importante. Garder le lien avec le groupe, le coach, le kiné, c’est essentiel pour ne pas se sentir « en dehors ». Même sans jouer, il est utile d’assister à quelques entraînements ou matchs, de rester présent dans la dynamique d’équipe.

Le rôle du staff médical et technique est capital pour sécuriser le joueur. Et bien sûr, les proches jouent un rôle-clé en apportant un soutien bienveillant et en comprenant que cette période est parfois plus sensible émotionnellement. Il ne s’agit pas d’en faire trop, mais d’être là, tout simplement.

Un joueur peut-il revenir plus fort mentalement après une blessure ?

Oui, très souvent. J’ai vu de nombreux joueurs revenir avec une plus grande maturité mentale, de nouveaux outils, une meilleure compréhension de leur jeu ou de leur rôle dans l’équipe.

Ils gagnent souvent en recul, en lucidité, parfois même en hygiène de vie. Et surtout, ils repartent avec des compétences mentales transférables : gestion de la pression, confiance, concentration… qui leur servent bien au-delà de la blessure.

Certains joueurs en profitent aussi pour faire le point sur leur carrière, leurs habitudes, leur communication avec le coach ou les coéquipiers. D’autres revoient leur récupération, leurs routines de sommeil ou d’alimentation. La blessure, bien accompagnée, devient alors une véritable période d’apprentissage.


Conclusion

La blessure peut devenir bien plus qu’une parenthèse. Accompagnée de manière globale, elle devient une expérience de progression, à la fois mentale et sportive. Grâce à la psychologie du sport, le joueur peut retrouver le terrain non seulement prêt physiquement, mais aussi plus solide mentalement.

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