Les rituels en sport de compétition semblent avoir une influence centrale sur la performance, notamment pour gérer le stress d’avant-match, pour se concentrer, ou encore développer la combativité nécessaire dans les moments-clé.

Le point sur la question avec deux experts:

  1. Damien Brevers, chercheur post-doctorant à l’Université de Californie.
  2. Manuel Dupuis, psychologue du sport et coach mental de sportifs de haut niveau.

Pouvez-vous nous décrire ce qu’est un rituel et en quoi il est si important pour le sportif qui pratique la compétition?

  • MD: Un rituel est un comportement déclencheur de performance qui va permettre au sportif d’activer correctement sa technique, de ressentir de bonnes sensations physiques et d’effectuer des choix tactiques sans trop d’effort. Le rituel est très important, car ce comportement (par exemple ce « serrer le poing » comme le fait à l’image Djokovic) va activer des sensations mentales qui vont permettre la performance, dans le cas présent la combativité, la confiance, mais aussi la concentration. Il permet d’activer la technique et de bonnes sensations physiques. Si mentalement on est bien, cela va directement influencer un résultat positif.
  • DB: Les rituels en sport réfèrent à des comportements habituels, précis et simples accomplis par l’athlète à des moments particuliers (avant, pendant et/ou après) d’une compétition. Le rituel s’intègre généralement au sein de stratégies de préparations « standard » dont l’apport est communément reconnu (alimentation, sommeil, échauffement, consignes tactiques,…). Un athlète peut décider d’avoir recours à des rituels dans le but de se rapprocher d’un état psychologique et physique propice au déroulement automatique, précis et efficace de performance.

Quels sont les différents types de rituels?

  • DB: Un premier type de rituels fait référence à des techniques reconnues comme pouvant aider l’athlète à atteindre un état psychologique et physique propice à la réalisation d’une performance optimale. Il peut notamment s’agir de techniques de relaxation, de renforcements/encouragements ainsi que différentes stratégies de focalisation attentionnelle. Ces techniques peuvent notamment être maitrisées par un athlète suite à une collaboration avec un psychologue du sport. Un deuxième type de rituels fait référence à des conduites dites « superstitieuses ». Il s’agit d’actions spécifiques qui n’ont pas de lien apparent avec la performance mais qui ont une signification particulière pour l’athlète. Pour illustrer cette catégorie, nous pouvons prendre l’exemple du joueur de tennis Rafael Nadal. Une fois assis sur son banc, il prend soin de placer ses bouteilles d’eau exactement entre ses jambes et ne rejoint jamais le court s’il n’a pas placé correctement les étiquettes de ses bouteilles d’eau à la perpendiculaire de la ligne de fond de court. Un autre exemple bien connu est celui de Michael Jordan. Ce dernier a toujours porté, comme porte-bonheur, le short de son université sous ses tenues de match. Et la liste est encore longue, etc.
  • MD: Pour compléter ce que dit Damien, je distingue les rituels suivants: les comportements ( par exemple serrer le poing, adopter une attitude corporelle positive, regarder sa raquette, prendre le temps dans les temps morts, écouter de la musique avant la compétition…), les pensées positives (se parler positivement, anticiper positivement l’action,…), ou encore l’activation d’images ressources ou de mots spécifiques qui vont déclencher la performance, etc.

On voit de plus en plus de sportifs qui pratiquent la visualisation, qu’en pensez-vous? Est-ce indispensable?

  • DB: Tout d’abord, je pense qu’il est important de souligner que le processus de visualisation (ou imagerie) mentale occupe une place majeure dans toute performance sportive. Par exemple, en tennis, un joueur va d’abord visualiser mentalement la trajectoire de son service avant d’extérioriser son action. Dans ce contexte, la visualisation mentale réfère à un processus visuo-moteur qui va permettre à l’athlète de charger/d’anticiper le réalisation de son action. Un autre point essentiel est que, à l’instar de toute forme de compétence, ces capacités de visualisation peuvent être entrainées et améliorées. Par exemple, un problème rencontré de manière récurrente chez le sportif durant une compétition est qu’il se centre davantage sur les conséquences potentielles de son action (« si je rate, … ») – ou de son action antérieure (« je ne comprends pas comment j’ai pu rater cela ! ») – plutôt que de visualiser le déroulement précis et efficace de son action à venir. Dans ce contexte, un travail peut notamment être initié avec un psychologue du sport afin d’aider l’athlète à se focaliser sur la réalisation, et non les conséquences, de ses actions.
  • MD: Je pense que l’imagerie mentale est un outil central, puisque le fait d’imaginer des performances positives, qu’elles soient techniques ou mentales, ont un impact direct sur la performance car le cerveau ne fait pas de différence entre l’action et le fait de vivre un action en imagerie. Ce n’est pas pour rien que les sportifs les plus performants en compétition ne sont pas spécialement meilleurs techniquement ou physiquement, mais par contre sont des meilleurs « imageant » que les moins bons: ils activent et anticipent plus facilement des images de réussites que les autres, etc.

Quels sont les différents moments où ils sont utiles?

  • DB: Les rituels peuvent être utilisés avant, pendant et même après une compétition. Par exemple, Gary Neville, ancien capitaine de Manchester United, avait pris l’habitude de ne pas changer de crème après rasage à la suite d’une victoire. L’utilisation de rituel est également fonction du rythme des actions. Par exemple, le tennis implique des efforts saccadés ainsi qu’une latence entre chaque action. Cette dynamique donne l’occasion au sportif de raisonner, de réaliser toute sorte de gestuelle et donc potentiellement plus d’occasions d’adopter des rituels.
  • MD: Je pense que les rituels sont centraux pendant les temps morts. Avant la compétition d’abord pour bien débuter et activer ce que j’appelle les « 4C » (Calme mentalement, Combativité, Concentration et sensation de Confiance en soi). Puis dans les autres temps morts, ils sont nécessaires afin de gérer le stress potentiel, de récupérer physiquement et mentalement, et être prêt pour agir. Il s’agit de « digérer » ce qui vient de ce passer, et activer le calme et la concentration pour se préparer, par exemple dans le cas du golf ou du tennis, au coup suivant.

Certains sportifs disent qu’avant un match, ils préfèrent ne pas s’imposer de rituel, qu’ils préfèrent improviser leur avant-match et leur échauffement,… Qu’en pensez-vous?

  • DB: Je pense que l’aspect essentiel est que l’athlète se sente prêt pour aborder sa compétition dans des conditions optimales. Dans ce contexte, il est important qu’il puisse adopter une méthode de préparation d’avant-match qui lui permette d’aborder au mieux les challenges à venir. Par exemple, certains sportifs peuvent ressentir le besoin de réaliser leur propre rituels afin d’atteindre une zone de confort dans leur préparation d’avant match (focalisation de l’attention, diminution du stress, optimalisation de l’effort et de la précision de l’action motrice). Pour d’autres, le fait de s’imprégner de l’atmosphère/de l’ambiance sera plus essentiel, ce qui faciliterait le caractère plus flexible et improvisé de leur préparation. Par ailleurs, ces deux styles de préparations peuvent être complémentaires.
  • MD: Cette question me fait penser à un sportif de très haut niveau dont je me suis occupé, et qui aimait me répéter qu’il n’avait pas de rituel d’avant-match, parce qu’il n’avait pas un rituel bien précis avant son match. En réalité, il en avait plusieurs qu’il utilise en fonction des besoins du moment (sensation de stress, niveau de confiance, …). La durée de son échauffement était variable, et il passait souvent beaucoup de temps à parler aux autres, à rigoler,… Le fait de parler et de rire avant un match lui permettait de gérer son stress (pour ne pas trop penser, le rire permettant aussi de décharger les tensions et de libérer de la dopamine dans le corps). De plus, il utilisait beaucoup l’imagerie pour se détendre ou activer de la combativité avant un match, à des moments variables. Je n ‘ai personnellement jamais rencontré de sportifs de haut niveau qui n’avait pas un rituel d’avant-match.

A quel type de sportifs s’adresse la mise en place de nouveaux rituels?

  • DB: Le taux d’investissement de l’athlète dans son activité sportive (nombre d’heures d’entraînement, fréquence de compétition, niveau de compétition,…) constitue une variable clé dans l’apparition de rituels. En d’autres termes, tout sportif qui vise à être performant, qu’il soit amateur ou professionnel peut employer et bénéficier de la réalisation de rituels.
  • MD: A tout sportif qui désire optimiser son potentiel, qui a conscience qu’en travaillant cela, il peut progresser sur ses capacités de récupération physique et mentale pendant la compétition, mais aussi activer de bonnes sensations mentales (ex: sentiment de confiance), techniques et physiques.

S’inscrire à la newsletter de Psychosport.

Restez au courant des dernières nouvelles et des derniers articles de Psychosport.

Besoin d’un accompagnement spécifique?

Psychosport est à votre disposition.